Japon / Text-only

Graduating.

Voilà un nouveau mois d’Avril, ce qui fait désormais vraiment 2 ans que je suis arrivé à Tokyo. J’avais 25 ans, les yeux pleins de rêves de Japon. Pardon, je venais de réaliser mon rêve de revenir au Japon. J’étais inquiet de 2 choses.

Sachant que Waseda était une université au top du Japon, je m’attendais à devoir trimer pour tenir le niveau. J’aurais préféré que ce soit le cas. Je finis deux ans de master en communication internationale, et bien que j’ai eu des cours très intéressants, et que la fin de chaque semestre était une torture pour rendre des dossiers toujours plus longs, je ne suis pas certain de ce que j’ai appris en cours. Entre quelques théories de diplomatie internationale et méthodes de réflexion sur la résolution de conflits internationaux, j’ai surtout appris à gérer le stress généré par des profs égocentriques et de certains élèves fermés. Ce fut surtout un moyen de rencontrer plein de gens. Pas si mal.

Mon autre inquiétude était sur le long terme, de trouver quoi faire après. L’objectif final étant d’en sortir avec un job. J’ai tenté, et je n’ai pas encore réussi. Ceci à cause d’une incompréhension majeure du système japonais. Même en insistant sur à quel point il est différent du mode français, je l’ai quand même sous-estimé, en particulier sur les dates. Je m’imaginais que ça se passerait d’une manière assez clean et organisée jusqu’en Octobre ; c’est un combat de vitesse terminé de préférence avant Mai. Début officiel en Mars, en vrai ça se prépare probablement en Décembre d’avant. certains ont trouvé leur truc avant de commencer le semestre en Avril. En commençant à m’y inquiéter en Avril, j’avais perdu d’avance. Comme les fenêtres vers les meilleures entreprises ne s’ouvrent qu’une fois par an, une fois l’opportunité passée, il faut attendre l’année prochaine. C’est ce que je me retrouve à faire. Mais je ne suis pas le seul. Je vois beaucoup d’étudiants étrangers comme moi qui veulent retenter leur chance. En général, ils préfèrent étendre leur période d’étude, quitte à forcer l’échec, histoire de toujours pouvoir dire qu’ils sont étudiants. Ce n’est pas la voie que j’ai prise. J’ai fini mes études.

DSC01563-2Une fois l’été fini, et le dernier semestre entamé, j’ai continué à chercher un job, comme il y a malgré tout toujours des entreprises qui recrutent. Mais j’étais aussi pris dans une spirale de doute sur ce que je voulais faire, ce que je pouvais faire. Ajoutez des problèmes sur la vie perso, et la pression d’avoir un mémoire de master à rendre dans quelques mois, et il a fallu que je choisisse mes priorités. J’ai donc été pris d’une passion furieuse pour mon sujet de recherche. Il en a résulté un dossier excellent, apparemment le meilleur de tout le séminaire. Les autres avaient la suite de leur chemin déjà préparée, et des responsabilités de ce côté là à tenir qui prenaient leur temps. Moi, d’une certaine manière, je voulais surtout occuper mes pensées, peu importe avec quoi, mais surtout pas sur mes propres problèmes. J’ai plus ou moins décidé de remettre tout le reste à plus tard. Ma réussite dans ces études part d’une erreur fondamentale, et la suite semble toute aussi erratique.

Une fois le mémoire rendu début Janvier, ma vie perso s’est largement amélioré, et j’ai préparé ce que je voulais faire de ma vie de manière un peu plus optimiste. Depuis Mars, comme c’est de nouveau le moment où les fenêtres sont ouvertes; je passe mon temps à chercher un job. Je suis devenu assez efficace et optimiste que j’aurais à trouver quelque chose de bien. J’ai la motivation. Seulement, maintenant, je ne suis plus étudiant. Il y a un terme anglo-japonisant pour décrire ce que je suis devenu : NEET. Not in Education, Employment or Training. Le terme est très connoté pour désigner ceux qui gaspillent leur vie à rester dans leur chambre à regarder des animes ou jouer sur l’ordi. Ce n’est pas mon cas. J’ai pas le temps entre les séminaires, les interviews et les candidatures à préparer. Mais je sais que ça ne durera pas, une fois que j’aurai reçu une ou plusieurs naitei (offre définitive d’emploi pour l’année prochaine). Si je suis bon, ça sera fini en Juin. Et après ça, je n’aurai plus rien à faire. Je crains le vide. J’en avais déjà peur, et là j’en suis dedans. Ça peut être bizarre, mais d’une certaine manière, j’ai maintenant plus peur de réussir que d’échouer.

J’ai déjà échoué pas mal de fois. J’ai vu des copains échouer. Je sais qu’il y en a qui sont plus mal lotis ; qui dépriment, qui abandonnent, qui doivent gérer les même emmerdes avec une santé qui part en vrac, qui n’ont pas les moyens, qui ne savent plus comment faire. L’échec est normal. Et ceux que je vois qui réussissent, ils sont pas forcément dans une meilleure situation. Leur santé mentale ne s’en trouve pas guérie, le job qu’ils ont trouvé leur bouffent toute leur vie, voient leur estime de soi toujours brisée, ils sont toujours désespéramment seuls, ou sentent leur temps partir vide de sens. Les success story s’arrêtent toujours au meilleur moment. C’est pas aussi cool de voir que « get the job » est suivi de « do the work »; « get the girl », de disputes et insécurités. Et le « get the diploma », va avec une entrée dans la vie active, toujours plus loin dans ce qu’on appelle une vie d’adulte.

Au final, les choses se passent rarement comme prévu, et les chemins sont rarement droits.

L’important, j’imagine, est au moins d’essayer de s’en construire un.

 

Leave a Reply

Your email address will not be published.