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仙台・千題 Sendai Stories : Tashirojima

3/11.

田代島 Tashirojima est une ile, et donc séparée du reste du Honshū. Le seul moyen d’y accéder est par bateau, et les seuls bateaux qui vont à Tashirojima partent du port de Ishinomaki. Dans la région, c’est censé être l’une des villes les plus actives après Sendai. Entre la gare de train et le port, il y a quand même une petite distance, que je décide de faire à pied, pour économiser un peu de taxi. Ce qui est aussi une partie de la raison pour laquelle je m’étais levé pour faire mes adieux à la guest house à 6h du mat’. Pensant que le paysage serait plus appréciable sur la côte, je décide de longer le port au lieu de suivre la grande rue. Je n’y vois qu’une succession de bâtiments fraichement construits entre deux terrains vagues. J’aperçois un temple sur la colline, qui me donne une bonne vue d’ensemble du port, et confirme ce que je voyais d’en bas : dans l’essentiel, c’est plat. Rasé. Les lampadaires eux-même témoignent d’un traumatisme en étant exclusivement alimentés par panneaux solaires. J’imagine qu’il serait inutile de demander aux gens du coin ce qu’ils pensent de l’énergie nucléaire.

_DSC1011Pour beaucoup, 9/11 est une date fatidique, faisant référence aux attentats sur le World Trade Center du 11 Septembre 2001. Au Japon, le 3/11, pour le 11 Mars 2011 a à peu près le même effet. À cette date, un certain tsunami a frappé le Tōhoku, et a notamment atteint la centrale de Fukushima pour déclencher la catastrophe nucléaire qu’on lui connait. Mais le tsunami n’a pas endommagé que la centrale, loin de là. J’ai dit Tōhoku ? J’ai bien dit Tōhoku. Jusqu’ici, mon voyage restait sur les chemins les plus touristiques, donc rénovés. Seulement, en s’écartant un tant soit peu des chemins battus, j’ai pu entrevoir une région entière encore en reconstruction, près de 5 ans après la catastrophe. Ça a beau être un sujet qui revient et persiste pour ceux de passage dans la région, ça n’a pas le même effet quand on voit les dégâts de ses propres yeux.

Je m’attarde un peu trop dans mon détour, et me dépêche de traverser ces ruines et chantiers pour aller trouver mon bateau. J’arrive finalement au quai d’embarquement avec juste assez de temps pour demander à leur laisser mes affaires pour la journée. Destination Tashirojima donc. Aussi nommée, Nekojima, pour « Ile aux chats ».

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Niveau de l’eau à Tashirojima lors du tsunami du 3/11.

En faisant quelques recherches sur l’ile, et en en parlant un peu aux alentours, il y notamment une phrase qui revient à son sujet : « Il y plus de chats que d’êtres humains ».  Les occupants eux-mêmes sont au-delà des 70 ans, et ont malheureusement tendance à disparaitre. Alors que les chats continuent à se multiplier, sans avoir de vrais prédateurs ou quoi que ce soit pour réguler leur population. La prolifération des animaux a attiré l’attention des fans de chats, et l’afflux relatif de touristes a pour effet d’encourager ce déséquilibre. Le peu de population locale soutient quand même l’idée, et quelques emplacements de camping et des bungalow à oreilles pointues ont été crées pour les visiteurs qui souhaitent rester. Pour le reste, les quelques vieux qui tiennent à rester sur leur ile passent leur temps paisiblement à pêcher.

_DSC1046À part ça, Tashirojima est… une ile en ruine. Le tsunami n’a surement pas dû arranger la chose, mais ce n’est pas nouveau. Une fois le pied à terre, on fait face à un village de tôle rouillée. Quelques maisons semblent être toujours occupées, mais il est difficilee de ne pas sentir une atmosphère de ville fantôme. En continuant vers le centre de l’ile, on peut voir qu’il y avait une école. La végétation a repris le dessus, bloquant la grille d’entrée laissé ouverte sous les racines et buissons.  La cour, suffisamment large, a été transformée en piste d’atterrissage pour hélicoptères, à en juger du H au milieu des herbes sauvages qui font leur chemin à travers le goudron vieilli. Des containers juchent le long des chemins, abandonnant des ferrailles, cordes et filets au sort du temps. C’est dans cet havre de paix au silence post-apocalyptique, aggrémenté d’un fond de vagues au loin, que les chats sont devenus l’espèce vivante la plus notable. Attention cependant. Les chats, tout mignons qu’ils puissent être, ont dépassé le stade d’être domestiqués. Les maitres des lieux ne sont pas timides, oh non, ils vont vite rejoindre tout humain qui leur offre de la nourriture. Mais l’indépendance qui était déjà particulière à l’espèce est ici décuplée, ces chats-ci sont sauvages, ils mordent et griffent, et n’hésitent pas à foncer *dans* un sac au moindre bruit qui s’approche d’un paquet de friandises qu’on ouvre.

Bref. Voilà des chats. Et quelques ruines.

L’ambiance qui règne en ces lieux est incomparable. Je pensais simplement partir vers une ile avec plein de chats mignons, je reviens en sachant à quoi le monde ressemblerait après un hiver nucléaire. Il ne s’agit pas d’un neko-café à l’échelle d’une ile. C’est tellement plus.

Même en voulant rester, il me faut partir, et cette fois-ci, retourner sur Tokyo. Retour que j’entame avec le premier bateau navette de retour dès 14h… pour ensuite enchainer trains sur trains sur trains et encore des trains, et arriver finalement à la capitale à minuit, juste à temps pour le tout dernier train de la journée.

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